Dossier sur la suppression programmée du remboursement de la Colimycine par la sécurité sociale.

Article de presse concernant la projet à court terme de ne plus rembouser la colimycine

Qui tire les ficelles ?

Un médicament déremboursé est remplacé par un autre qui vaut seize fois plus cher. Combien d'aussi juteuses substitutions dans le plan Mattéi ?

En annonçant il y a huit jours son plan médicaments, le ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, n'avait, paraît-il, que deux soucis en tête : la bonne santé des Français et la bonne santé de la Sécu. Il nous jurait sur ses grands dieux que toutes les mesures envisagées permettraient de faire des économies et n'atteindraient en rien l'objectif d'une couverture médicale de qualité. Cette fois, c'était acquis, nous passions définitivement de l'ère de la maîtrise comptable à celle de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. C'était sans compter sur la vigilance des assurés sociaux. Comme dans l'affaire Axa, qui avait permis à l'Humanité de révéler la tentative de doublement des primes d'assurance pour les handicapés en février 2000, c'est une lectrice qui nous a mis la puce à l'oreille. Elle s'inquiétait qu'un médicament prescrit à sa fille, atteinte de mucoviscidose, soit inscrit sur la liste des médicaments déremboursés. Elle en était d'autant plus choquée que cette nouvelle intervenait à la veille des " Virades de l'espoir ", qui marquaient le week-end dernier le rendez-vous annuel de toutes les chaînes de solidarité contre cette terrible maladie.

L'enquête que nous avons menée a malheureusement confirmé son pressentiment. Mais elle a du même coup révélé des dessous plus sordides encore. Si l'antibiotique en question, la Colimycine, était effectivement déremboursé, ce serait pour être remplacé par un autre médicament, seize fois plus cher ! Le coût du traitement remboursé par la Sécu passerait donc pour ce seul médicament de 160 à 2 592 euros par mois...

Bonjour les économies ! Devant un tel tour de passe-passe, les questions s'imposent : le médicament abandonné était-il à ce point obsolète ? Les médecins, engagés dans la lutte contre cette maladie, semblent penser le contraire. Comment le ministre de la Santé, qui a justifié son plan en plaidant le remplacement de certains médicaments par d'autres moins onéreux, explique-t-il que l'on procède dans ce cas à l'inverse sans raison médicale convaincante ? Qui prend en réalité ce genre de décision ? Quel rôle jouent les laboratoires pharmaceutiques dans la fixation des prix et les autorisations de remboursements ? Combien de médicaments, dans la liste des huit cents visés par le plan Mattéi, risquent d'être l'objet d'aussi juteuses substitutions ?

Il serait indécent de laisser aujourd'hui ces questions sans réponses. Pour les familles de malades, pour les médecins, pour les assurés sociaux. Car tous seront amenés un jour ou l'autre à payer l'addition de telles aberrations. Nous n'avons pas été les seuls à dénoncer un des points aveugles du plan Mattéi : l'absence de réflexion réelle sur la maîtrise publique de la politique du médicament. En déclenchant l'une des plus grosses opérations de déremboursement des quinze dernières années, le gouvernement laissait intacts des mécanismes qui sont au cour des problèmes financiers de la Sécurité sociale. Il était inévitable dès lors que des situations comme celle que nous révélons surgissent.

Il faut souhaiter que l'affaire de la Colimycine soit l'occasion d'un débat enfin transparent sur ces questions cruciales pour l'avenir de la Sécu. Les ficelles du déficit ne peuvent être éternellement tirées dans l'ombre, à l'abri du contrôle citoyen.

Source http://www.humanite.presse.fr/journal/jour.html
Journal l'humanité.